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Interview

Patrice Amba Salla  «  il faut repenser le système des indemnisations »

Source : le quotidien de l’économie (édition du 04 septembre 2015)

Il a économisé ses mots depuis que le sujet de la détérioration  de la route  menant à Bamenda a été porté sur la scène  publique. Avec la surenchère de désobéissance civile lancée par le leader  de l’opposition  John Fru Ndi. On l’a peu entendu après le Blocage des travaux de l’Autoroute  Yaoundé-Douala par les populations de Lobo. Dans l’entretien qui suit, le Ministre des Travaux publics  qui repasse en revue ses chantiers routiers à problème, montre que le silence  n’est pas une faiblesse. Il livre sa vision d’un secteur des infrastructures plus efficient.

Assez sombre d’une rupture de trafic sur cet axe, nous avons soumis au gouvernement  des offres de financements qui se sont révélées peu attrayantes. De même, notre volonté de faire élire cet axe au PUTAC  n’a pas prospéré. Le gouvernement a retenu les offres de financement des bailleurs que sont la BAD et la Banque Mondiale, visiblement pour leur caractère concessionnel.

En résumé, nous sommes en phase d’instruction ultime de ces deux dossiers à l’effet de démarrer l’année prochaine, les réhabilitations  conséquentes de cet axe routier d’importance.

En attendant  cette réhabilitation lourde, 2 milliards ont été mis à disposition  pour le maintien du trafic pendant la grande saison  de pluie en cours. Les trois entreprises retenues pour ce faire sont d’ores et  déjà à pied d’œuvre sur les sections qui ont été découpées. Nous avons bon espoir que la tâche ne sera très ardue.

-          Le Quotidien de l’économie : la route de Bamenda s’est considérablement dégradée ces derniers temps. Sa réhabilitation fait elle l’objet d’une préoccupation  de la part du Ministère des Travaux publics ?

-          Mintp : je vous remercie pour l’attention  que vous portez au domaine de compétence qui est le  mien à la tête du Ministère des travaux Publics.

Je crois pouvoir donner ici à vos lecteurs les éléments d’information et d’appréciation du travail qui  y est conduit avec des fortunes diverses, comme dans toute action  humaine du reste.

La route Yaoundé-Bamenda, construite dans les années 80 est en fin de vie, dimensionnée qu’elle  était pour 20,25ans. Elle demandait donc une réhabilitation complète en 2008 ou 2009. C’était et le reste, une grosse préoccupation  du Gouvernement en général mais singulièrement celle du Ministère des travaux Publics. Des évaluations faites pour cela ont établi un besoin  de financement de près de près de 130milliards. Un travail conforme à cette enveloppe y a donc été conduit. Pour les sections Yaoundé-Ebebda, Bafoussam- Babadjou, nous avons opté pour une réhabilitation  en continu au vu de leur fatigue plus accentuée. Pour le reste du linéaire, nous avons conduit des campagnes successives de bouchage des nids de poule.

Au regard de l’insuffisance des fonds évoquée, de la perspective Assez sombre d’une rupture de trafic sur cet axe, nous avons soumis au gouvernement  des offres de financements qui se sont révélées peu attrayantes. De même, notre volonté de faire élire cet axe au PUTAC  n’a pas prospéré. Le gouvernement a retenu les offres de financement des bailleurs que sont la BAD et la Banque Mondiale, visiblement pour leur caractère concessionnel.

En résumé, nous sommes en phase d’instruction ultime de ces deux dossiers à l’effet de démarrer l’année prochaine, les réhabilitations  conséquentes de cet axe routier d’importance.

En attendant  cette réhabilitation lourde, 2 milliards ont été mis à disposition  pour le maintien du trafic pendant la grande saison  de pluie en cours. Les trois entreprises retenues pour ce faire sont d’ores et  déjà à pied d’œuvre sur les sections qui ont été découpées. Nous avons bon espoir que la tâche ne sera très ardue.

-          Le Quotidien de l’économie : Le Chairman du SDF, John Fru Ndi a appelé à une désobéissance civile au péage sur l’axe Bafoussam-Bamenda tant que les travaux de réaménagement n’ont pas été engagés. Que lui répondez-vous ?

-Mintp : je respecte les actions de monsieur Fru Ndi, qui est fidele à lui-même. Je voudrais  dire  simplement qu’il n’avait pas besoin  de lancer un appel à désobéissance civile. En effet, j’avais demandé formellement le désarmement de cette station  de péage comme je l’ai fait pour les stations de péages sur la route  Yaoundé Mbalmayo ou Mora Kousseri, lorsque des travaux de réhabilitation  y avaient cours. La durée entre cette demande et la réaction  de mon collègue des Finances seules peut autoriser que le Chairman aille s’exprime  sur le site. Et puis véritablement, une démarche plus citoyenne en direction  de Monsieur le Gouverneur de la région du Nord-Ouest aurait été hautement plus valorisante et responsable.

-          Le Quotidien de l’économie : Le tronçon Ebebda-Bamenda, sur l’axe Yaoundé-Bamenda, est en mauvais état. Pourquoi sa réhabilitation, pourtant programmé dans un  programme spécial du Chef de l’Etat, n’a pas encore été réalisée ?

-         

-          Mintp : la réponse  à cette  question a été donnée dans ma première réponse. Je dois préciser que les sections à réhabiliter restantes sont Ebebda-Bafoussam et Babadjou-Bamenda. Nous allons, au bénéfice de la réhabilitation lourde annoncée, améliorer le service au droit de l’intersection de la RN1 RN4 à la hauteur d’Obala et construire des stations de pesage.

 

-          Le  quotidien de l’économie : Où en  est-on  avec les travaux de construction  de l’Autoroute Yaoundé-Douala récemment bloqués par les populations par les populations de Lobo ?

 

Mintp : Les travaux de construction de l’autoroute Yaoundé-Douala ont repris leurs cours normal dès la descente de Monsieur le Gouverneur de la région  du Centre aux premières heures de la manifestation des populations. La descente  des élites de la Lékié, comme celle de Monsieur le Maire de  Lobo, participent  dès lors de la consolidation d’un compromis déjà trouvé sous la forme  de l’enregistrement et du traitement diligent des omissions et des paiements lorsque les décrets seront disponibles.

Les terrassements et les travaux  qui leurs sont préalables, notamment la construction  des dalots et autres  ouvrages, sont en cours. La texture du sol en cette saison  de pluie est un frein à un déploiement  optimal de l’entreprise. Par ailleurs, l’entreprise  traine  un peu le pied dans la prise en compte  des observations du Maitre d’ouvrage et des commissions de recette techniques qui sont un peu nouvelles pour elle.

L’orientation  générale est donnée et les terrassements sont en cours bientôt au-delà du PK10.

-          Le Quotidien de l’économie : des dispositions sont-elles  prises pour que les indemnisations précèdent  le début des travaux afin d’éviter des remous sociaux ?

 

-          Mintp : C’est un principe  rappelé avec force par le Premier Ministre  Chef du Gouvernement : les indemnisations sont préalables au début  des travaux. Pour les payer, il faut simplement  disposer du décret qui en fixe les bénéficiaires et les montants. Je crois  pouvoir dire  que l’exigence  du Décret d’indemnisation  participe de la volonté de rendre  la « créance », d’une part ou la «  dette » d’autre part, certaine  et exigible. Car, il faut l’admettre en fin de compte, le principe  du paiement préalable des indemnisations a fini par générer des appétits de certaines  personnes sans foi ni loi, dont l’activisme  se révèle  comme un blocage des travaux ; il est donc peut être envisageable de songer à accélérer le processus d’élaboration  des décrets qui ouvrent la voie au paiement, en traitant, avec rigueur et sans état d’âme, les velléités d’enrichissement sans cause qui y ont cours.

-          Le Quotidien de l’économie : peut-on avoir  une idée du niveau de préparation  de la suite de cette autoroute dont on n’a que commencé la première phase ?

 

-          Mintp : Oui ! il y’a lieu de dire que  le Gouvernement a décidé de construire  la suite de cette autoroute en mode PPP, autrement dit Partenariat Public Privée. C’est une modalité qui mutualise  les charges et permet de  lever assez rapidement  les ressources nécessaires. Pour s’engager dans cette voie, la législation prévoit que l’Etat dispose  au préalable  des études de faisabilité. Le Mintp a d’ores et déjà lancé un appel d’offres pour lesdites études et l’analyse permettra de sélectionner les bureaux d’études qui conduiront cette étude.

Fondamentalement, il faut dire  qu’un projet en PPP se vend convenablement  lorsque la rentabilité est certaine. Et pour autant que nous parlions d’autoroute, il faut pour cela, et compte tenu de ce que le retour sur investissement se fait sur peages, que le nombre de véhicules soit à même d’induire cette rentabilité. C’est la raison de mon plaidoyer pour le  tracé en étoile dont vous avez entendu parler et qui peut décider assez rapidement les nombreux opérateurs qui s’intéressent à ce projet.

Sur le plan financier, il y’a lieu de libérer tout le potentiel en ce domaine en songeant dès à présent à mettre en place une société des autoroutes capable de lever sur la place financière internationale les fonds qui doivent permettre la construction des ouvrages, avec pour seule limitation du plafond d’endettement que la pertinence du projet. On sortirait de la contrainte qui est celle de l’Etat qui reçoit, dans le cadre de la loi de finances, la hauteur de l’endettement qu’il peut se permettre à chaque exercice. J’ai bon espoir que ces analyses seront validées et que nous pourons envisager avec assurance la construction de la phase finale de notre première autoroute dans un délai acceptable.

-          Le Quotidien de l’économie : Qu’est ce qui coince sur les travaux de la route Sangmélima –Mengong, qu’on présente comme « la route du Président » ?

-

-          Mintp : Avant de vous donner la situation de la route de Sangmélima –Mengong, permettez moi de dire une ou deux  choses sur cette assertion de « route Président ». Toutes les routes du Cameroun et tous les ouvrages structurants sont des composantes du programme présidentiel des « Grandes réalisations » qui a conduit Son excellence Paul BIYA à la victoire lors de l’élection présidentielle de 2011.

Nous, les Ministres, contribuons, chacun en ce qui le concerne et au niveau où son action est nécessaire, à les rendre concrets et surtout à les transformer en grandes réussites. Alors, cette assertion de « Route  du Président » aurait une charge émotionnelle telle que, tout retard sur ce projet doit, dans l’esprit de ceux qui la baptisent ainsi, produire une sanction présidentielle du genre sortie du Gouvernement du Ministre qui en a la charge principale. Mais cette assertion a surtout la capacité de justifier, après analyse, toutes les entraves que nous y avons enregistrées ! c’est, de mon point de vue, une dérive et un travestissement de l’action de l’action publique que les Camerounais doivent abandonner au plus vite.

Pour vous édifier sur la route sangmélima-mengong, je dois pouvoir dire que rien ne coince désormais. La société GALDIANO qui en avait la charge a subi les contrecoups de la faillite de sa société mère en Espagne et a abandonné le chantier. Après des sommations régulières, j’ai, en exécution des pouvoirs du Maîtres d’Ouvrage que je suis, résilié le marché qui est actuellement dans sa phase de liquidation.

La procédure de remplacement du failli GALDIANO a connu quelques incidents, dont il serait très peu valorisant de parler ici, qui ont rallongés les délais. A présent, nous sommes dans l’attente du contrat élaboré avec l’entreprise. ARAB CONTRACTORS, qui doit être signé incessamment par mon collègue en charge des marchés publics. Pendant ce temps, nous avons délégué des crédits pour la remise en service minimum de cette route que cet abandon a lourdement pénalisée.

Ce qui pourrait donc coincer dès lors sera la libération de l’emprise ou une budgétisation insuffisante,  toutes choses que je crois que le gouvernement a convenablement pris en considération.

-          Le Quotidien de l’économie : La réalisation de la route Nkoteng-nanga Eboko avance lentement. L’Etat manque –t-il de ressources pour financer les travaux ?

-          Le Mintp : Le ralentissement des travaux sur la route Nkolessong-Nding et la bretelle Nanga Eboko Bifogo, que vous désignez par Nkoteng-Nanga Eboko, est dû à un problème technique, mieux géotechnique. Voyez vous, pour construire une route, il faut une roche qui rempli des spécifications organiques précises. Il a été agrée dans ce chantier une carrière aux caractéristiques assez limité. Il a été recommandé à l’entreprise et au maître d’ouvrage, par le laboratoire de génie civil, des itinéraires assez stricts pour la mise en place des couches de chaussée. Pour la couche de base, une formulation avec adjonction d’une classe granulaire intermédiaire a été arrêtée. La mise en place de cette couche de base était assortie de l’obligation de poser la couche de roulement en béton bitumineux au-delà de  deux semaines. L’entreprise a entrepris ainsi la mise en place de la couche de base, sauf qu’elle n’avait pas une formulation de la couche de roulement validée !

Pour tout compliquer, il s’est avéré que les caractéristiques de la roche, tolérable pour la couche de base, n’entraient pas dans le fuseau acceptable des tests pour la couche de roulement. Au vu de cette situation qui est une véritable hypothèque sur cette route, tant attendue et si importante, j’ai pris sur moi de suspendre les travaux de mise en place des couches de chaussée. J’ai sommé l’entreprise de rechercher une autre carrière de roche pour cette partie de la route  et engagé des vérifications de la portance  de la couche de base mise en place. La roche pour la couche de roulement est trouvée et les tests de portance sont en phase de validation  pour que les travaux reprennent de façon seine.

L’Etat met les ressources à disposition et nous pensons livrer à cet endroit une section de route qui durera le temps que nous avons dimensionné. C’est rébarbatif un peu, mais la nation  doit le savoir  afin  que nous nous rendions bien compte du niveau de notre  savoir faire en ce domaine.

-          Le Quotidien de l’économie : Pourquoi les travaux sur le tronçon Bikoula-Djoum, qui doit participer à construire la route  de l’intégration Sangmélima –Ouesso au Congo, ont t-ils du mal à avancer ?

 

-          Mintp : Je voudrais être très précis sur ce point. La route  Sangmélima-Djoum est divisée en deux sections : Sangmélima- Bikoula et Bikoula- Djoum. C’est  la première section  qui est en construction et qui n’avance pas principalement du fait de l’amateurisme de l’entreprise et aussi  de la non libération  de l’emprise des travaux. Nous espérons que les séances de travail, que nous avons, que nous tiendrons bientôt avec les bailleurs de Fonds de ce projet, déboucheront sur une solution qui ouvre la voie à une production acceptable si nous avons levé entre temps la contrainte  de la libération de l’emprise.

La section Bikoula-Djoum par contre  n’est toujours pas attribuée pour cause d’objection levée par les bailleurs sur le déroulement  de la procédure engagée depuis assez longtemps maintenant. Seule la section  Djoum-Mintom, réalisée à plus de 85% maintenant constitue la mise  en place de la section  camerounaise  de l’important  corridor  entre Sangmélima  et Ouesso au Congo.

-          Le Quotidien de l’économie : Avec les nouveaux postes de pesage fixe et mobile, voulez – vous montrez votre détermination  à protéger le Patrimoine routier national ?

-          Mintp : la mise en service  de nouvelles  stations  de pesage fixe est la traduction concrète  de la volonté commune du gouvernement et de ses partenaires  de mettre  en place  plus de routes bitumées  mais aussi de protéger ce Patrimoine commun acquis après de lourds sacrifices. C’est de la cohérence dans l’action. Elle traduisent  le fait  que de nouvelles routes  ont été construites  et que les usagers  doivent adopter des comportements  civiques  pour un usage aussi long que possible.

Les stations de mobiles  quant à elles, traduisent  la volonté du gouvernement  de combattre  de façon  efficace  l’incivisme  qui est noté sur le réseau routier  et qui se  caractérise  par le contournement des postes de pesage, la collusion  d’intérêts des parties en présence,

 

Le Quotidien de l’économie : Qu’est-ce que vous  aimeriez améliorer dans le dispositif institutionnel et fonctionnel des travaux publics pour obtenir de meilleurs résultats ?

 

-           Mintp : Pour répondre  franchement  à cette préoccupation, il faut  dire  que les instruments  ou outils de construction  routière  sont désuets. Il va ainsi de la nature  des fonds ou alors du guichet de paiement, des itinéraires  techniques  et des capacités  des divers acteurs qui sont publics ou privés. Je vais me limiter aux aspects institutionnels publics pour des raisons  évidentes, car je pense  que la mise en place des outils publics  peut radicalement  contribuer à améliorer les privés. Je pense fondamentalement que  les fonds de construction routière, comme toutes les grandes infrastructures  d’ailleurs, doivent  être dédiés car ils constituent un engagement  juridique et contractuel. Les ressources du Bip, de mobilisation lente, ne peuvent  efficacement  assurer les contreparties attendues dans les projets à financements extérieur et les paiements de ceux qui sont financés par nos ressources  propres ; il faut les spécifier dans un fonds qui garantisse  leur disponibilité en temps opportun.

Les activités d’expropriation  préalable doivent pouvoir  être  repensées pour  que le paiement préalable  soit réservé aux habitations par exemple et que les terrains immatriculés soient compensés en nature  sans bloquer  les travaux , que les cultures  pérennes  soient payées  et que l’on donne  le temps  de récolte  aux bénéficiaires  des cultures à cycle court.  Toutes ces réflexions  sont à  assortir d’une actualisation  des bases  de calcul d’indemnisations.

Il me semble urgent  de procéder  à la catégorisation  des entreprises  des travaux publics pour  les pousser  à la spécialisation, garante de résultats satisfaisant à terme.   Sur le plan des acteurs institutionnels, il est peut être envisageable d’améliorer le parc des engins du Matgénie pour capter toutes les installations  de chantier des infrastructures  que nous réalisons  depuis quelque temps et qui vont  se densifier  davantage avec les projets de deuxième génération.  La modernisation  du plateau technique  du Labogénie doit aussi pouvoir garantir la fiabilité des ouvrages  et domestiquer une expertise que nous trouvons  préférentiellement  à l’extérieur. Voilà sans être exhaustif des pistes  d’action qui peuvent rendre  plus efficiente  de mon humble avis la construction  des infrastructures  et notamment les routes dans notre pays.
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